La vie sans école

Pourquoi, comment… et la socialisation ?

Nous avons déjà partagé un tout petit peu de nous au fil des premiers articles de ce blog, sans vraiment planter le décor. En commençant cette nouvelle année et en reprenant la main sur le clavier après quelques mois d’absence, il nous semble que c’est le bon moment pour le faire.

Pour cela, nous avons décidé de vous faire découvrir aujourd’hui la manière dont nous imaginons l’instruction en famille à travers les trois questions que l’on nous pose le plus souvent lorsqu’il est question de notre choix d’éducation. « Imaginer », car nous sommes tout à fait conscient que, comme Maya, nous allons apprendre, faire des erreurs, nous réjouir de nos réussites, nous réajuster et avancer en nous renouvelant continuellement en usant de notre imagination, de notre créativité et de notre intelligence.

Nous sommes au point de départ, et si les idées que nous portons aujourd’hui sont celles qui nous permettent de nous lancer, nous devrons les éprouver sans cesse dans le temps et certainement les réinventer pour pouvoir poursuivre notre route. Nous avons aujourd’hui des réponses aux questions que vous trouverez ci-dessous, et nous sommes certains que ces questions trouveront encore d’autres réponses dans le temps, que nous aurons le plaisir de partager ici, au fil de nos récits.

D’où vous est venue cette idée d’instruire votre enfant en famille ?

Lorsqu’après sa naissance, nous avons commencé à nous poser la question du choix de l’instruction que nous souhaitions pour Maya, nous savions grosso modo que nous voulions un cadre dans lequel elle pourrait apprendre à son rythme et sereinement. Tiana était particulièrement réticente à l’idée d’envoyer Maya à l’école : intuitivement, elle était convaincue que ce n’était pas le cadre idéal pour apprendre. A ce moment-là, nous n’avions aucune idée de ce qu’était l’instruction en famille, n’ayant connu rien d’autre que le milieu dont nous sommes issus, ayant tous les deux suivi un parcours académique traditionnel et ayant poursuivi nos études supérieures dans un environnement ultra compétitif, celui des classes préparatoires et des grandes écoles de commerce.

Lorsque le moment était venu de mettre Maya à l’école, étant salariés tous les deux et ne pensant pas avoir les compétences nécessaires pour instruire notre enfant, nous avons décidé de l’inscrire dans une petite structure privée qui respecterait son rythme et sa liberté d’apprentissage. C’est ainsi que Maya a passé trois années dans une école Montessori, où l’accompagnement individualisé de chaque enfant nous a particulièrement (mais pas entièrement, avec le recul, avouons-le…) rassurés. Ce furent, de notre point de vue, trois années plutôt sereines, car Maya aimait beaucoup aller à l’école.

Puis est venu le temps de songer à l’entrée en CP, nos interrogations ont alors refait surface de manière plus vive. Tiana, qui avait quitté le salariat pour s’installer en tant qu’artiste, a alors commencé à étudier sérieusement l’idée de « faire l’école à la maison ». Nous étions mitigés car elle était séduisante et rebutante en même temps : Maya serait dans un cadre détendu et libre mais nous craignions qu’elle ne meure d’ennui et de tristesse en ne voyant que ses deux parents à longueur de journée et en n’ayant plus autant de contacts avec ses copains. Sans compter que la perspective de lui donner des cours à heure fixe ne nous excitait guère. Cette manière de vivre l’école à la maison, la seule que nous connaissions, ne nous correspondait pas.

Nous rêvions de quelques chose de plus libre, de plus organique, de plus vivant : vivre en famille, éduquer et instruire Maya ne feraient plus qu’un. Nous pensions que nous étions déraisonnables, nous ne savions pas que cela était faisable. Dans son entêtement, Tiana a cherché à voir ce qui se faisait réellement ailleurs : c’est comme cela que de fil en aiguille, de lectures en documentaires, nous avons découvert la grande diversité et la richesse des pratiques d’instruction en famille, dont les pratiques du unschooling et du ownschooling. Nous avons aussi appris à mieux connaître et comprendre les enjeux des différentes pédagogies alternatives : Maria Montessori, Freinet, Waldorf-Steiner, Charlotte Mason, les écoles démocratiques, etc. Cette découverte a été notre déclic. Nous étions enfin décidés. Mais, pour être cohérents avec nous-mêmes, il nous fallait avoir l’adhésion de Maya, car c’est d’elle qu’il s’agissait. Nous lui avons donc demandé à trois reprises, à plusieurs mois d’intervalles, ce qu’elle pensait de l’idée d’apprendre sans aller à l’école, en sachant qu’elle ne verrait plus ses petits copains et copines tous les jours. A trois reprises, très enthousiaste, elle nous répondait oui, sans hésiter, qu’apprendre sans aller à l’école lui plairait énormément et que les copains, et bien, qu’elle n’avait pas besoin de les voir tous les jours, qu’elle préférait les voir pour un goûter et jouer à la maison plutôt que d’être obligée quand elle n’en a pas envie.

C’est ainsi que notre projet a pris forme.

Et la socialisation ?

C’est la question la plus souvent posée aux familles ayant fait le choix de l’instruction en dehors du cadre scolaire. Effectivement, le risque de l’isolement existe pour un enfant non scolarisé et des enfants ayant vécu dans cette situation ne gardent pas toujours de très bons souvenirs de l’instruction en famille. Néanmoins, bien que légitime, cette question exprime le plus souvent une inquiétude d’adultes fondée sur une croyance bien ancrée : l’école serait le lieu incontournable où tout enfant devrait aller pour apprendre à socialiser, sinon, il deviendrait plus tard un adulte inadapté. Bien entendu, cela est faux. Si l’école offre effectivement la possibilité de socialiser, elle est bien loin d’être incontournable et d’en avoir l’exclusivité.

Notre témoignage précédent nous révèle que nous-mêmes, sans en avoir pleinement conscience, pensions de cette manière. La réponse de Maya quant à notre souci de ne pas lui permettre de voir ses petits copains tous les jours est éloquente. Elle nous dit, dans sa bouche d’enfant, que la socialisation à l’école comporte une contrainte qu’on ne peut ignorer, c’est que l’enfant doit voir les mêmes autres enfants tous les jours de la semaine, aux même horaires et dans le même cadre, qu’il en ait l’envie ou non. Elle nous dit aussi qu’il y a bien d’autres manières de socialiser. Alors, oui, comme nous le disions tout à l’heure, l’école est un lieu de socialisation, et, à côté, il y a tous les autres lieux. Et, oui, à l’école on se fait des copains, mais pas que, et pas toujours. Et, mis à part les copains du même âge que l’on croise tous les jours dans sa classe, il y a tout le reste, le vaste monde. Il y a la famille, les amis, les voisins, les commerçants du coin, les personnes croisées dans la rue ou ailleurs, il y a les adultes, les jeunes, les adolescents, les enfants, les personnes âgées… le monde est ouvert et infini. Nous aimerions que Maya vive la diversité sociale du monde dans lequel elle vit, dès maintenant, et au quotidien.

Il nous semble donc que la question de la socialisation est bonne à poser à chaque parent, sans la réserver aux parents d’enfants non scolarisés, que l’enfant aille à l’école ou pas. Si nous prenions chacun le temps de vraiment répondre à cette question, nous pourrions beaucoup apprendre des conclusions que nous en tirerions. Oui, chers parents, et la socialisation des enfants, comment l’envisagez-vous ?

Comment vous faites, vous avez un programme, vous utilisez des livres ?

Ici, il est question de la compétence d’un parent à enseigner son enfant. Cela faisait partie, au départ, de nos inquiétudes. Jusqu’à ce que nous comprenions grâce à nos lectures et à nos recherches (nous apprenons tous les jours…) que l’être humain, vous, nous, moi, toi, a au départ la capacité et l’envie d’apprendre par lui-même, et que pour combler cette nécessité, il puise dans ce qu’il observe autour de lui et dans les ressources dont il dispose. Ayant acquis cette conviction, nous avons décidé de préserver autant que possible cette prédisposition chez Maya et de lui permettre d’apprendre de manière autonome : nous n’avons donc pas d’emploi du temps fixe, elle choisit librement ses activités, notre rôle étant essentiellement celui de l’accompagner et de l’assister lorsqu’elle en exprime le besoin.

Cette idée peut être angoissante pour un parent, car ce qui nous vient très vite à l’esprit est que si on laisse un enfant faire ce qu’il veut, il passerait ses journées à jouer. Et effectivement, Maya joue énormément, c’est sa préoccupation principale. Mais, lorsqu’on prend le temps d’observer objectivement un enfant qui joue, on se rend très rapidement compte que beaucoup de choses sont en train de se passer dans le jeu : l’enfant reconstitue le monde, il le rejoue et se l’approprie, il narre (Maya, comme de nombreux enfants comme elle, parle toute seule à voix haute quand elle joue, raconte des histoires, construit des dialogues à plusieurs voix, etc.), il use de vocabulaire, de logique, de stratégie, il manipule toutes sortes d’objets, il bouge, se meut et expérimente l’espace avec son corps… Et s’il n’y avait que cela…, Maya écrit quand elle joue, elle lit, elle décrypte, elle invente des mots, un univers, elle compte, elle porte un jugement critique sur le monde et ses événements. Dans et par le jeu, l’enfant apprend. Notre accompagnement consiste alors à observer Maya, à repérer ce qui est en éveil chez elle et à introduire dans le cadre de son jeu ou à proposer plus tard dans un temps en dehors du jeu une activité qui lui permette d’enrichir ou de consolider un savoir en cours d’acquisition. Libre à elle d’accepter, ou pas.

Il existe plusieurs manières d’instruire son enfant en famille. Nous venons de décrire brièvement la nôtre mais comme nous aimerions aborder de manière plus approfondie ce sujet et notre choix de l’apprentissage autonome, nous lui consacrerons certainement ultérieurement un article. Nous terminerons sur ce point en concluant qu’il n’y a pas une pratique qui soit meilleure qu’une autre, l’important étant d’être cohérent avec soi-même. Cela s’adresse tout particulièrement aux parents qui voudraient se lancer 🙂

Autres questions ?

D’autres questions reviennent souvent, que nous aurons certainement l’occasion d’aborder ici à l’avenir, comme : « comment conciliez-vous ce choix avec votre vie professionnelle ? », « et si un jour elle veut devenir médecin? », « il faut avoir les moyens financiers pour faire ce que vous faites, pourquoi pas si on peut se le permettre? »… L’instruction en famille en suscite de nombreuses. Vous en avez d’ailleurs certainement plusieurs se bousculant dans la tête, ne serait-ce qu’à la lecture de cet article. N’hésitez pas à nous les poser, nous serions ravis de pouvoir y réfléchir et peut-être d’y apporter un début de réponse, pour nous, et pour vous.

A très vite pour la suite…

 

 

%d blogueurs aiment cette page :