La vie sans école

Le nombre de jours depuis ma naissance

Un soir, avant d’aller se coucher, Maya me demande depuis combien de jours, de minutes et de secondes elle est au monde. J’aime lorsqu’elle me pose ce genre de question curieuse et inattendue. Je prends ces questions comme des perches tendues, alors je saute dessus avec l’enthousiasme du parent qui a le sentiment de transmettre quelque chose d’inédit et de précieux à son enfant.
Derrière sa question, j’ai vu l’occasion idéale pour introduire la compréhension du temps et de sa mesure, mais également pour montrer une utilisation concrète des opérations mathématiques.

Afin qu’elle puisse apprécier au préalable la grandeur du nombre de jours, de minutes et de secondes qu’elle a vécu, je lui ai répondu que je n’étais pas en mesure de répondre tout de suite car ce calcul demandait beaucoup beaucoup beaucoup de temps, puis je lui ai proposé qu’on le fasse ensemble le lendemain matin. En précisant qu’une séance de calcul ne suffirait peut-être pas. Ce à quoi, elle a acquiescé.

Le lendemain, elle n’avait pas oublié. Tout de suite après le petit-déjeuner, nous nous sommes donc retrouvées devant une grande feuille de papier, prêtes à calculer. Je lui ai rappelé qu’il était fort probable qu’une journée ne soit pas suffisante pour trouver le résultat recherché.

J’ai choisi d’aborder la question en créant sous ses yeux un repère visuel, soit un graphique que j’ai commenté au fur et à mesure de sa progression.
– J’ai commencé par tracer un grand rectangle couvrant toute la surface de la feuille, ce rectangle représentait une année.
– A l’intérieur du rectangle, j’ai tracé 12 rectangles pour illustrer les 12 mois, que j’ai nommés. J’ai écrit leurs noms dans chacun des 12 rectangles.
– Dans chaque rectangle représentant un mois, j’ai tracé autant de petits rectangles que de jours. Elle a pu observer qu’il n’y avait pas le même nombre de jours dans chaque rectangle, qu’il y avait alternativement 30 et 31 jours par mois, à quelques exceptions près et qu’un mois comptait parfois 28 jours, parfois 29 jours. Captivée par tous ces rectangles qui s’emboîtent les uns dans les autres, elle m’écoutait religieusement…
Ainsi, nous avions pu voir les relations entre l’année, les mois et les jours. Il restait à voir les heures, les minutes et les secondes. Les rectangles représentant les jours étant trop petits pour qu’on puisse dessiner à l’intérieur, j’ai pris une seconde feuille de papier pour la suite de ma présentation.
– Sur la nouvelle feuille, j’ai tracé un grand rectangle pour figurer une journée et dans la même logique que précédemment, nous avons découvert les 24 heures de la journée, les 60 minutes dans l’heure et les 60 secondes dans la minute.

Après cette mise en image des unités de mesure du temps, elle a souhaité revenir en arrière pour bien comprendre. Nous avons revu les différentes notions ensemble. Elle s’est approprié mes deux graphiques en les commentant à son tour, en répétant à sa manière ce que j’avais progressivement expliqué jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée et qu’elle décide de s’arrêter. «  Je crois que ce sera tout pour aujourd’hui, nous ferons le calcul plus tard… » a-t-elle finalement conclu au bout de presque deux heures de séance, mettant ainsi un terme à notre exploration.
Nous n’avons pas effectué les opérations mathématiques ce jour là, mais cela nous suffisait amplement pour commencer. Il lui fallait du temps pour assimiler tout ce qu’elle venait d’apprendre.

Quelques jours plus tard, la même question est revenue à deux ou trois reprises avec une variante : « depuis combien de jours, de minutes et de secondes tu es née maman ? » Chaque occasion a permis de réactiver ce que nous avions vu les jours précédents, bien qu’elle était bien à l’aise avec les différentes unités de mesure et leurs correspondances.
Puis est venu le moment d’effectuer les additions et les multiplications aux fins de trouver le résultat recherché. Nous avions déjà découvert ensemble en quoi consistent les quatre différentes opérations mathématiques, elle avait donc les bases nécessaires pour comprendre ce que nous étions en train de faire et pourquoi nous procédions de telle manière.
Pour faire simple, nous avons calculé le nombre total de jours pour les années pleines écoulées, puis le nombre de jours pour les mois pleins écoulés, nous avons compté le nombre de jours écoulés du mois en cours, nous avons fait la somme totale du nombre de jours trouvés, puis nous avons compté les heures, les minutes et les secondes restantes. Nous avons utilisé une calculatrice pour obtenir le résultat souhaité, l’idée étant plus de lui montrer l’utilisation des opérations mathématiques que de faire le calcul en lui même. Elle a retenu que le nombre obtenu était très important.

Au cours des opérations, j’ai eu peur qu’elle ne décroche et que cela soit trop compliqué à suivre. In fine, elle a bien compris que les opérations dans lesquelles nous nous sommes lancées étaient plutôt complexes et elle a compris leur utilité. La difficulté de l’exercice et la persévérance qu’il demandait ne l’ont pas rebutée : elle a suivi le raisonnement de bout en bout, même si elle ne semblait pas tout saisir. Elle éprouvait une certaine fierté d’explorer un univers nouveau, qui lui donnait le sentiment d’être « une grande fille qui peut faire des mathématiques ».

Cette expérience l’a stimulée dans sa découverte du calcul : elle exprimait clairement l’envie d’aller plus loin. Par ailleurs, elle lui a permis d’acquérir de nouvelles ressources pour apprivoiser l’écoulement du temps. Elle a parfaitement assimilé les équivalences entre les mesures de temps et les applique depuis sans modération dans la vie de tous les jours. Ainsi par exemple, lorsque nous lui demandons de patienter 3 minutes, elle nous chronomètre… en comptant jusqu’à 180 pour nous rappeler ensuite notre engagement. Inutile de dire que nous évitons maintenant d’utiliser les expressions du type « j’arrive dans deux secondes », car les dépassements sont très mal tolérés (et oui, une promesse, c’est une promesse…) 🙂

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